dimanche 27 janvier 2019

La place des Nations dans le Tikoun Olam Rav Mordékhaï Chriqui

La place des Nations dans le Tikoun Olam 


Dans le Cantique des Cantiques, le roi Salomon fait la distinction entre les ''filles de Jérusalem'' et les ''filles de Sion''. Les ''filles de Sion'' font référence aux enfants d'Israël et les ''filles de Jérusalem'' font référence aux enfants des Nations.

Le Zohar commence par cet enseignement de Rabbi H'izkia: « comme la rose au milieu des épines» enseigne le cantique. Que représente la rose? Elle représente l'assemblée d'Israël.
Le Zohar fait une double comparaison entre la mère suprême et l'assemblée d'Israël. La mère suprême est la présence divine avant qu'elle ne soit présente. C'est le principe même de la présence divine, ce que l'on appelle la ''Bina''. Avant que la présence divine soit la Malkhout dans ce monde, la providence divine, il y a auparavant cette idée du principe supérieur. De la même manière que l'assemblée d'Israël se trouve ici bas parmi les Nations, ainsi la ''bien-aimée'' se trouve parmi les anges et parmi les forces supérieures. De même que la rose en haut, la ''mère suprême'' possède les deux couleurs rouge (rigueurs) et blanc ( bontés) ainsi la rose en bas, l'assemblée d'Israël, la Malkhout, possède ces deux principes que sont la bonté et la rigueur.
Le Zohar continu: « ce que la rose possède 13 pétales ainsi l'assemblée d'Israël, la présence divine, possède 13 pétales qui sont aussi les 13 principes de la clémence (qui s'épanchent du grand visage à la H'okhma pour aller à Bina qui va embellir par ces mêmes principes la présence divine, la Malkhout, l'assemblée d'Israël).»

Pour le Midrash, si Israël est une rose, les Nations, elles, sont des épines. Celles-ci sont faites pour protéger la rose. Pour le Zohar, les Nations sont représentées pas les pétales de la rose. Au lieu d'être une autre entité (les épines), elles font partie intégrante de la rose, elles sont ses couches extérieures. Israël représentant le cœur de la rose, lui donnant sa bonne odeur. Pour le Zohar, Israël en bas, correspond au principe féminin de Dieu. De la même manière que le principe féminin en haut est entouré de toutes les forces spirituelles que sont les Séphirot, ainsi Israël se trouve parmi les Nations. Il y a un programme divin appelé la ''Matrice'', la mère suprême, de laquelle va émerger tous les flux divin, et autour d'elle, il y a des préposés appelés ''anges'' qui vont distribuer et épancher ces flux dans le monde. De même ''en bas'', se trouve l'assemblée d'Israël et autour d'elle, il y a des pétales qui sont les Nations qui reçoivent et qui épanchent aux autres degrés de la création.

D'où provient l'origine des Nations? 
Pour le Ramh'al, la séparation des Nations d'avec Israël, provient de la faute originelle du premier homme. Dans le paradis où il se trouve, il y a deux arbres spécifiques: l'arbre de la vie éternelle et l'arbre de la connaissance du bien et du mal, de la liberté, de l'initiative personnelle et de l'intuition. De ces deux programmes, le premier homme choisit le deuxième, le programme de la voie de la perception des sens. Avant la tentation de l'extériorité, avant la séduction du monde extérieur, avant la voie du savoir et de l'expérience, le premier homme était dans la dimension de ce que plus tard, la Torah va révéler, la dimension du Judaïsme. Car nous voyons que les patriarches vont réparer sa faute. Il y a donc deux niveaux d'homme en lui, celui d'avant la faute où il est animé par l'idée de l'éternité et celui d'après la faute, où il est animé par les envies, par la temporalité où le moment présent est primordial. Il est pris alors dans un engrenage sans fin où il n'y a plus de but à son existence et où l'éternité est complètement absent de sa vie. Profiter du moment présent, percevoir par les sens est ce qui l'intéresse alors. Cette dichotomie dans la perception de la vie va se matérialiser par la séparation d'Israël et des Nations. Ce sont les deux voies de l'humanité: la voie de l'unité symbolisée par Israël et la Torah et la voie de la dualité où tout ne se perçoit que par son contraire, comprendre la vie par la mort, le bien par le mal qui est la voie de toutes les Nations. Dans cette voie, ce n'est que l'envie qui va animer l'homme mais pas une envie profonde mais bien une envie des sens. L'homme alors comme l'humanité poursuit une histoire dirigée uniquement par l'envie.

Dans la Cosmogonie que le Ari Zal a explique, cette dichotomie de la création par deux principes essentiels: la lumière, ''or'' et le vase, ''Kéli''. La lumière correspondant à l'essence divine, à l'essence de la volonté de Dieu, à sa volonté à l'état pure mais il faut un instrument pour exprimer cette volonté comme une scie qui est le moyen pour couper un morceau de bois. Le Kéli est l'instrument de la lumière plus que le ''vase''. Avant le Ari, cela était défini comme la lumière et le vêtement de la lumière. Pour le Ramh'al, cette enveloppe qui va s'exprimer est représentée par les Nations. La lumière étant la volonté à l'état pure qui ne s'exprime pas alors à travers quelque chose de concret, ce n'est qu'une pensée non encore exprimée. Ce n'est que grâce au Kéli qu'elle peut sortir en acte jusqu'à ce qu'il y ai la catastrophe appelée ''brisure des vases'' où le Kéli ne reçoit plus la lumière. Il ne veut pas être assujetti à la lumière. Comme si les lois de la Nature avaient une âme. Il n'en est rien car ce ne sont que des constations des théoriciens. Il n'y a aucune volonté intérieure en elles. Les scientifiques essaient de trouver une idée unificatrice qui unit toutes ces lois fondamentales qui régissent tout l'univers et qui serait leur âme. Le Ramh'al explique que les Kélim sont les lois de la Nature. Dans ces principes premiers, il y a le vêtement et la lumière. Ce vêtement va se séparer en forme de lanières comme la lettre ו ''vav''. Cette lettre est aussi une conjonction de coordination. Ce vêtement (les 231 portes) est composé de panneaux en forme de cercles. Ce sont les lettres ו coupées l'une de l'autre. Chaque ו correspond à une particularité qui vont se rassembler dans les quatre extrémités du tétragramme. Ces lettres ו vont former alors la lettre finale ם ''mem sofit'' C'est à ce niveau que sont enracinées les âmes d'Israël. Il est écrit alors « des vêtements s'échappent des âmes» c'est-à-dire que les vêtements vont quitter les âmes. Car au début, le vêtement va être la réalité de toute la Nature et l'âme est cette idée d'Israël qui est cachée et qui n'existe pas encore. Et pourtant il est enseigné « Israël est monté dans la pensée en premier lieu». Israël est de l'ordre de la pensée. Alors que le vêtement va dévoiler cette lumière, cette pensée première. Depuis le début, il y a une dichotomie, un genre de dualité dans la création. Dans le premier mot de la Torah '' בראשית", il est fait allusion à deux commencements: un commencement caché et un commencement révélé qui est la révélation des Kélim, la perception des lois de la Nature. Israël et les Nations se trouvent dans cette dichotomie de ces deux aspects du commencement. Cette même dichotomie d'Israël et des Nations dans la création va se retrouver dans l'histoire où la direction divine va tout faire pour révéler sa conduite cachée. Il est vrai qu'avec la sortie d’Égypte, la Torah écrit que Dieu sépare un peuple de parmi un autre peuple. Dieu seul pouvait distinguer Israël des autres peuples, même les anges qui avaient le véritable discernement de la Nature, n'avaient pas cette sagesse pour distinguer Israël des Nations. Cette distinction en fait ne commence pas avec la sortie d’Égypte ni avec Avraham et ni même avec le premier homme. Cette distinction est d'un ordre métaphysique, de l'ordre de la création ontologique.

Chaque partie de la création prise à part, possède un but propre, cohérent et indépendant à sa nature. Les minéraux, végétaux animaux humains sont différents l'un de l'autre. Il ne se dessine pas entre eux un lien qui les porte vers une finalité unique. Il peut y avoir des points communs dans leur nature au niveau moléculaire mais pas dans leur finalité. Chacun converge vers un but lié à sa nature propre. Chacun porte en lui un dessein qui se suffit à lui-même. Cependant la hiérarchie qui commande toute la nature qui commence par les cieux pour terminer ici bas, est reliée par la même gradation en cercles où l'intérieur devient l'extérieur du cercle inférieur... selon le Ramh'al tout est lié de manière graduelle. Toutes les existences sont liées et nécessaires pour parachever le but de la création déterminé par la connaissance suprême dans la création. L'homme doit alors s'élever à l'état de l'éternité pour percevoir le but final de la création.
Toute parole émise au mont Sinaï se subdivisa en 70 langues et donc Dieu n'a pas parlé seulement au peuple juif, afin que chacun puisse comprendre selon son caractère et sa nature cette parole. Le peuple juif et les nations sont donc liés à la Torah, ce lien est très ancien car il est relié aux principes premiers des Kélim.

Selon le Zohar, l'arbre de la connaissance avait un rôle de rideau qui sépare le monde de la vie éternelle et le monde de la dualité. L'homme voulait arriver à ce rideau, à ce panneau où se trouve le serpent ontologique qui représente le raisonnement par les sens, le raisonnement intellectuel. Ce serpent étant tout notre système de pensées. Cette connaissance englobe toute la nature et le premier homme, créature de Dieu, va saisir cette connaissance de l'intuition, de l'initiative, de la liberté de choisir, de la découverte par l'expérience. Il reste en filigrane le peuple d'Israël qui ne quitte pas la tente, il ne veut pas sortir de la perception éternelle. Mais par cet état, le monde reste dans son état duel et même en recevant la Torah, il reste dans la dualité. On ne peut arriver à relier la réalité de tous les jours avec la foi qui est le raisonnement de l'ordre de l'éternité. Dans la temporalité, il y a le ''à priori'', il y a le ''avant'' et le ''après''. C'est l'évolution, les causes et effets, la gradation. Ce système de penser est le système de penser de toute l'humanité y compris celui du peuple d'Israël.

Israël est cet ancien sacré, cet ancien qui est distingué et séparé de la nature, qui va se distinguer par les patriarches et surtout par la sortie d’Égypte. Mais ce lien avec l'éternité n'a pas abouti, encore une fois mais il a été alors révélé pour nous permettre de finir cette histoire de la temporalité.

Dieu par la création, a donné un rôle, une fonction à toutes les créatures. Il a réparti la réparation du monde selon toutes les créatures. Chaque être dans ce monde a une fonction. L'histoire fait parti de ce programme et en aucun cas, les événements qui se révèlent dans ce programme sont des tragédies liées aux impondérables. Ils ont tout un chacun un but dans la conduite qui mène au dévoilement divin dans la création. Mais personne, aucun prophète ne peut comprendre cette histoire, cette pensée mystérieuse qui est la distribution des fonctions. Cela ne dépend pas des bonnes ou des mauvaises actions de l'homme mais de la réparation. Nous sommes tous les serviteurs du palais de Dieu. Chaque être a reçu un rôle, nous sommes tous les serviteurs d'une même cause. Ce que chacun de nous reçoit de Dieu est pour la réparation universelle de la création. Il faut arriver à comprendre sa vie uniquement dans l'universel, arriver à atteindre la conscience non pas individuelle mais la conscience collective, le ''super-moi''. L'homme ne peut se réparer sans atteindre cette vision universelle. Ainsi même les nations ont pour but d'élever la parole de Dieu.

Les Nations sont ce ''ו'', ''vav'', la coordination des lanières. Au début, tout était unifié puis ces lanières sont apparues, ces lanières sont des directions philosophiques, des directions de pensées. En rattachant ces ''vav'', nous dévoilons l'essence de la création. Israël est de l'ordre de l'au-delà du temps humain objectif. En reliant Israël aux Nations, la providence divine va se révéler sur toute la création comme le Or entrant dans le kéli, la lumière dans le vase pour ne faire qu'Un: « comme cette rose parmi les nations»